Qu’est-ce qui cloche ?
Oui, qu’est-ce qui peut bien clocher chez une personne qui nourrit une passion pour les cloches et les carillons ? C’est la réaction facile lorsqu’on entend parler de la Guilde des carillonneurs et campanologues suisses (GCCS). Une délégation de leurs quelque 90 membres s’est déplacée le week-end dernier au Val-de-Travers pour leur assemblée annuelle (la 30e du nom). Amour de l’histoire, goût pour la tradition, fascination pour le temps qui passe ou encore appétit pour les notes cuivrées, bref les raisons de s’intéresser à ce domaine sont nombreuses. Vous ne comprenez toujours pas ? Vous allez comprendre !
Le régional de l’étape et l’unique Vallonnier de cette guilde (association) est le Butteran Dominique Fatton. Avec son collègue nord-vaudois Mike, ils avaient concocté un programme carabiné à leur vingtaine de comparses parmi lesquels français, allemands et… beaucoup d’Alémaniques.
Et vous remarquerez qu’il y a aussi des jeunes. Cela va de 19 à plus de 80 ans. Les deux cadets du groupe ont d’ailleurs profité de ces deux jours de découvertes pour aller prendre la température à l’Alambic hier soir. Mais ça va, ils ne manquaient pas à l’appel ce matin,
rigole Dominique Fatton. Nous sommes le dimanche matin et c’est au temple de Buttes qu’il me reçoit. Ce fada d’horloge est aussi un fin connaisseur de cloches. Il veille d’ailleurs sur les principaux clochers locaux depuis des années et des années. C’est un peu le maître du temps et du tempo du Vallon.
Un patrimoine méconnu qui se mérite !
En plus de celles de Buttes, on est gâté avec la cloche gothique de Môtiers et la cloche historique de l’Abbaye de Bellelay qui a été vendue à Noiraigue lors du démantèlement révolutionnaire de 1793. Je suis vraiment content d’accueillir pour la première fois les membres de la GCCS au Val-de-Travers pour parler de ce sujet. Cela a commencé avec la partie nord-vaudoise que l’on a parcourue hier. Nous savons que c’est une passion marginale mais elle regroupe des gens du monde entier.
Et quoi de mieux qu’un temple et un clocher pour rassembler tout le monde sous un même « toit » ?
C’est juste ! C’est un bel endroit et c’est surtout une belle occasion de faire découvrir un patrimoine méconnu. C’est plutôt très rare que des personnes se hasardent dans les clochers pour aller contempler les cloches qui s’y cachent. Nous on visite ceux de Buttes, Couvet, Travers et on finit avec celui de la Collégiale de Neuchâtel aujourd’hui (le 24 octobre).
À Buttes, le clocher a dû être fermé à la population à cause de trop nombreuses dégradations. Dimanche, en revanche, ça grouillait là-dedans. Appareils photos en main, chacun voulait se rapprocher au plus près des trois cloches – une grande et deux plus petites pour l’entourer – afin de ressentir le grand frisson au moment de leur mise en action.
C’est déjà une aventure pour arriver jusque là-haut,
balance l’heureux Butteran. Effectivement, quelques planches en bois qui semblent fragiles, des escaliers à la pente abrupte et des corps à corps multiples jalonnent cette envolée matinale. Sur le chemin, on trouve quelques vestiges du passé tels que d’anciens cadrans. Et… attention la tête ! Et oui, au fil des étages il faut notamment passer sous le soufflet de l’orgue pour toucher au but. Mais la vue somptueuse sur les environs qui nous attend là-haut vaut bien ces quelques contorsions.
Bienvenue chez les ch’tis, coup de pouce inattendu
Nous y voilà. Il y a deux petites cloches du 18e (1768 et 1772) et une grande cloche du 19e siècle.
Celle-ci a été refondue en 1854 au moment de la construction du clocher du temple de Buttes. L’édifice en lui-même ayant été bâti sans clocher en 1705.
La complémentarité de ces trois cloches permet des sonorités particulières et historiques à la fois. Pour l’anecdote, la plus ancienne cloche du Vallon est la petite de Môtiers et elle date de 1596.
Lorsque je disais que ces passionnés sont de vrais porte-paroles du patrimoine historique, je ne mentais définitivement pas !
C’est amusant de voir que l’intérêt pour notre activité a été bien relancé avec la diffusion du film « Bienvenue chez les ch’tis ». La scène du carillonneur a poussé certaines personnes à s’intéresser à ce qu’elles ne connaissaient pas et à ce qui les faisait râler parce que ça fait du bruit,
se gausse le Butteran. à ceci près qu’il n’est pas possible de jouer des morceaux de musique depuis un clocher au Val-de-Travers.
Ici, les cloches ne tintent que les heures et certains événements comme la volée de midi ou le couvre-feu de 22 heures. à Buttes, ça sonne aussi le samedi à 18 h pour indiquer la fin de la semaine.
Aujourd’hui, mis à part quelques cérémonies funéraires, Buttes ne reçoit que peu de demandes pour des mariages. Les tourtereaux en herbe préfèrent se rabattre sur des églises plus grandes ou plus « esthétiques » comme celles de Môtiers ou de Couvet. Pourtant, en plus d’avoir des cloches mélodieuses, il y a de belles choses à y voir.
Les vitraux ont été installés lors de la restauration de 1948 et reprennent des thèmes bibliques. Il y a aussi une armoirie parlante de Buttes avec le ciel rouge indiquant que le village est à l’ouest de la vallée donc où le soleil se couche. Les trois collines font référence à celles qui ferment le fond de la vallée et au milieu la rivière qui coule au village y est représentée.
Alors, c’est qui les cloches maintenant ?
Kevin Vaucher