Shirley Marof
Un dauphin qui vous veut du bien!
« Je ne suis pas un requin de la finance, je préfère largement être un dauphin de la solidarité. » Cette phrase est incarnée et revendiquée par Shirley Marof. Cette cinquantenaire a toujours mille et un projets en tête pour aider ceux qu’elle appelle les précarisés. Ce « mandat à vie », elle l’a d’abord appliqué dans les pays défavorisés lors d’actions humanitaires. C’est en aidant les autres qu’elle a rencontré un enfant du Val-de-Travers avec qui elle a décidé de venir dans la région pour y construire leur vie de famille. C’était il y a 30 ans et son passé tenait dans 20 kilos de bagage seulement. Portrait !
« J’ai participé activement à la campagne en faveur d’une 13e rente AVS. Je suis ravie du résultat mais je veux continuer le combat et militer pour l’exonération d’impôts et les soins médicaux gratuits pour les seniors. » Cet état d’esprit de conquête colle parfaitement à la personnalité de Shirley Marof. Née à Guatemala City d’une mère guatémaltèque et d’un père latino-américain, cette femme de caractère admire ceux qui, comme elle, ont la force de leurs convictions. Avec elle, pas de demi-mesure !
1994 : se réinventer une vie
Une fois naturalisée en 2000, elle a ainsi décidé de refuser la nationalité américaine et de laisser de côté la citoyenneté guatémaltèque. « Je suis une immigrée de choix et non d’obligation et c’est ce qui fait de moi une privilégiée. J’ai décidé de garder uniquement la nationalité helvétique pour faire honneur à mon pays d’accueil. » Lorsqu’elle a posé le pied pour la première fois en Suisse, elle n’avait que 20 kilos pour bagage, un enfant dans les bras et un autre dans le ventre. « Nous souhaitions nous poser afin que nos enfants puissent construire leur avenir dans un seul pays. » Fini les missions humanitaires à l’autre bout du monde, Shirley a dû se réinventer une vie et c’est notamment par la politique qu’elle a réussi à le faire.
Elle assiège le château, accompagnée de 200 femmes
La néo-Suissesse a alors été élue sur le plan communal avec plus de voix que son mari, pourtant un enfant du Vallon. « J’ai surtout été la première présidente, issue de l’immigration, du Conseil général de l’ancienne commune de Fleurier. » Plus tard, elle a également été députée suppléante au Grand Conseil neuchâtelois. Elle se rappelle notamment avoir fait boire le conseiller fédéral Samuel Schmid dans un thermos d’absinthe alors que la fée verte était encore interdite. C’était lors d’une Marche du 1er mars. « J’ai aussi ‹ assiégé › le château de Neuchâtel avec 200 femmes afin de faire valoir quelques revendications féminines. C’était évidemment un acte non violent et symbolique. » Puis, des problèmes de santé l’ont obligée à délaisser la politique. Mais elle n’a pas abandonné pour autant ses convictions et son engagement.
Sa lente traversée du désert
« J’ai été prof d’espagnol durant 20 ans à l’école club Migros. Je me rappelle que ma ‹ copine de classe › s’appelait Sabine Burkhalter (ndlr : femme de l’ancien conseiller fédéral Didier Burkhalter). Elle enseignait l’allemand. » Shirley Marof a aussi vu de près la précarité contre laquelle elle a tant lutté par le passé, et encore aujourd’hui. « J’ai vécu une traversée du désert faite de maladie, de séparation, de divorce et de pauvreté. Je me suis alors retrouvée bénéficiaire de l’aide sociale. J’ai vécu plusieurs contrats ISP (insertion socio-professionnelle) et j’ai rencontré ceux que je considère comme mes deux pères dans mon activité actuelle de formatrice d’adultes. »
Désormais, elle organise des ateliers destinés aux personnes précarisées. Elle le fait au Cora notamment.
La mort de son frère la conforte dans ses choix
Son rêve serait de créer une place de cuisinier en contrat ISP au Val-de-Travers. « Cela n’existe pas ici, pourquoi ne pas faire trois fois par semaine des repas à 5 francs dans trois villages différents du Vallon par exemple. Cela permettrait de créer un contrat ISP à 60% tout en aidant les plus démunis. » Ce qui a coulé dans du marbre son dévouement aux autres est la mort de son frère. Il est décédé à 35 ans des suites de complications liées au Covid. « Il ne fumait pas et il ne buvait pas. Une nuit, durant mon sommeil, je l’ai entendu me dire ‹ va et enseigne à tous ›. » La Fondation Xavy, dont elle s’occupe, a été créée peu après. Elle aide les précarisés à accéder à des formations. Au Cora, Shirley Marof propose des ateliers 100% gratuits plusieurs fois par semaine. Le dauphin Marof n’est peut-être pas un requin mais elle a les dents longues quand il s’agit de s’occuper des autres…
Kevin Vaucher