Sœur Odette
32 ans que le Vallon couvre Paris
Des centaines d’écharpes, autant de gants et de bonnets, 166 couvertures, 60 sacs de couchage et une tonne d’autres matériels. Sœur Odette et son équipe ont chargé, dimanche, une camionnette pleine de textiles pour aller les distribuer aux sans-abri de Paris. C’est la 32e année que les bénévoles du foyer de l’étoile envoient du renfort aux fragilisés parisiens, en vue de l’hiver, toujours meurtrier dans la capitale française. Le Courrier était présent au moment où la chaîne humaine s’est formée en vue du remplissage du camion.
«Vous voyez, quand les bénévoles forment une chaîne humaine depuis notre salle de stockage jusqu’au camion, parqué à l’extérieur, c’est toujours un moment très fort en émotions pour moi.» ça fait 32 ans que ça dure, et pourtant, Sœur Odette a toujours les yeux qui s’humidifient lorsque c’est l’heure de charger le convoi vers Paris. C’est une année de dons qui passent de mains en mains dans les couloirs du foyer de l’étoile jusqu’à arriver dans la camionnette, gracieusement prêtée par Geiser Automobiles.
Petits gestes, grande importance
Une douzaine de bénévoles ont répondu présent pour participer au chargement. La plus jeune a huit ans et la plus âgée… euh, mais c’est vous Sœur Odette. Quel âge avez-vous? «L’âge de mon cœur», me répond-elle en souriant. Un grand âge, assurément ! Drapée dans son inséparable robe bleue, la Fée bleue s’assure que la moindre place de la camionnette soit occupée. Et ces sacs, on les prend aussi? «Non, ils vont partir en direction des pays de l’Est?» Bien reçu cheffe ! En 28 minutes, tout a été chargé. Ce n’est pas un record en termes de temps mais tout s’est passé dans une excellente ambiance. Chacun de ces petits gestes effectués, ce jour-là, à Couvet, aura peut-être une grande importance demain.
Quatre jours sur place
Car «demain c’est loin», disait le groupe Iam. Mais « demain c’est bien », aussi ! Pour le convoi, demain rimait avec un voyage de 1000 kilomètres aller-retour pour « ravitailler » Paris. Le départ était fixé à lundi matin, sept heures. Trois personnes, dont Sœur Odette, ont pris place dans la camionnette. Et trois autres ont pris le train pour Paname. Parmi elles, on retrouvait notamment la pasteure Véronique Tschanz-Anderegg. Fidèle au poste ! Une fois sur place, l’équipe réduite de bénévoles passe quatre jours dans la capitale. S’arrêtant à différents endroits pour distribuer les « munitions vallonnières » pour lutter contre l’hiver et permettre à un maximum de sans-abris de passer la saison froide.
La « soufflante » de Sœur Odette
L’essence de la camionnette est entièrement prise en charge par l’entreprise Zbinden Transports. Sœur Odette n’appréciera sans doute pas que je mentionne ces quelques noms car pour elle « personne ne fait ça pour la reconnaissance des autres.» Mais les médias parlent suffisamment de choses inutiles pour aussi parler des choses utiles. Du moins dans le Courrier. Et je prendrai sur moi si elle me met « une soufflante » à son retour de Paris, ce jeudi ! Justement, pourquoi Paris?
Je ne saurais pas l’expliquer, j’ai senti qu’on avait besoin de moi et j’ai rejoint l’Armée du Salut six ans de suite au milieu des sans-abris.
Quel cœur, quel engagement, quelle dame!
Là-bas, elle a aussi servi les repas de nuit avec les Restos du Cœur, tout en distribuant ses couvertures et ses sacs de couchage. Les six premières fois, elle s’est rendue dans la capitale française toute seule, logeant dans une maison-dortoir aux côtés de 60 alcooliques et toxicomanes. L’âge de son cœur qu’elle disait. Et quel cœur, quel engagement, quelle dame ! Une fois de plus, ça confirme que c’est sur le terrain qu’on peut faire la différence. La Fée bleue laisse souvent un souvenir prégnant là où elle passe.
Une prière pour demain
Parfois, elle est également touchée par des mots, des gestes ou des histoires. Elle nous en livre une qu’elle a vécue avec un sans-abri qui avait tout perdu. Enfin presque tout. Il gardait l’espoir d’un avenir meilleur. Ainsi, il lui avait fait part qu’il priait chaque jour depuis qu’il était dans la rue: «Je ne sais pas si tu existes, Dieu, mais si tu existes, fais que cette journée soit cool pour moi aujourd’hui.» Sœur Odette n’a jamais oublié ces mots qui ont trouvé un énorme écho chez elle. Et depuis, elle n’a cessé de tendre la main aux plus faibles. Elle couve, elle court et elle couvre, la Fée bleue du Val-de-Travers.
Kevin Vaucher