MULTISPORTS
Strongman s’entraîne dans nos forêts
Lorsque vous vous baladez en forêt, vous prenez le temps de contempler la nature. Votre œil est attiré par un arbre qui sort de l’ordinaire ou un endroit au calme propice à l’écoute des chants d’oiseaux. Lui, il voit en un gros tronc, une charge idéale à porter à bout de bras et il cherche les pierres les plus lourdes afin de s’en servir comme haltères naturelles. Lui, c’est un strongman et il s’entraîne régulièrement dans les forêts du Val-de-Travers !
Ah très bien, mais c’est quoi un strongman ?
Je suis sûr que beaucoup d’entre vous se posent cette question et elle est légitime car c’est un phénomène encore assez méconnu en Suisse.
Strongman signifie homme fort et ce sport consiste donc à être le plus fort possible dans le sens premier du terme. Comme en haltérophilie, il s’agit de porter les charges les plus lourdes ou alors de faire un maximum de répétitions dans des exercices de force. La particularité étant d’utiliser des objets du quotidien,
expose Manu Seke. Strongman depuis 2014, ce Loclois de 35 ans a déjà été champion suisse en catégorie mi-lourd (moins de 105 kilos) et a terminé douzième des championnats d’Europe récemment.
En étant préparé moyennement, ajoute-t-il !
S’entraîner, un vrai parcours du combattant !
Lorsque sa discipline consiste à soulever des bûches, à lever des voitures ou à tracter des camions, pas facile de pouvoir s’entraîner régulièrement et de façon optimale.
Cela nécessite beaucoup de matériel spécifique et très couteux. Même si j’ai le soutien de deux ou trois sponsors, je ne peux pas me le permettre financièrement. Il y a quarante-huit épreuves possibles en championnat (cinq épreuves sont choisies par compétition) donc ça en fait des choses à acheter si je voulais m’entraîner convenablement.
Pour ne pas devoir financer tout ce matériel, il cherche des artisans prêts à lui confectionner des équivalents. C’est-à-dire des éléments d’entraînements ressemblant à ce qui est utilisé officiellement lors des « tournois », tels qu’un tronc avec deux prises permettant de le soulever à mains nues ou un support métallique utilisable pour soulever une voiture.
Si quelqu’un peut lui fournir ce type de matériel, n’hésitez pas à vous manifester au « Courrier ». En tout cas, son abnégation semble porter ses fruits puisqu’il a été invité à la première manche du championnat de France des strongman en début d’année et qu’il a terminé à une belle troisième place. Dans ce sport, chaque championnat national est ouvert aux compétiteurs de tous pays.
C’était très bénéfique de pouvoir me comparer et me confronter à des athlètes internationaux. J’ai d’ailleurs pris part à la deuxième manche qui avait lieu le 4 juillet (2e place à un point du premier) et je vais participer aux trois étapes restantes pour avoir une chance de décrocher la victoire finale au général.
Il ne manque pas d’ambition ni d’objectif puisqu’il participera ce samedi à la première manche du championnat de Suisse également. Un enchaînement de costaud !
Le judo et l’haltérophilie en amuse-bouche
Le strongman s’est développé dans les années 1970 lorsque tous les sports de force ont décidé de faire un melting-pot de leurs épreuves respectives et de les réunir sous l’appellation strongman.
En plus, le fait d’utiliser des objets connus de tous a permis d’attirer l’œil d’un public différent et plus large. Tout le monde connaît à peu près le poids d’une voiture et voir des athlètes en soulever permet de mieux comprendre la portée de cette performance.
Manu Seke, lui, a d’abord appris à faire du judo lorsqu’il est arrivé du Congo à l’âge de huit ans. Il s’est ensuite rapidement dirigé vers l’haltérophilie où il a multiplié les succès et les récompenses.
Puis je me suis lassé car c’est toujours les deux mêmes mouvements et j’avais envie de me diversifier tout en restant dans le monde des sports de force.
Voilà ce qui l’a poussé à devenir strongman il y a sept ans.
J’ai découvert cette activité à Berne lors d’une démonstration. Ils proposaient aux passants de soulever une voiture. J’ai essayé et j’ai réussi du premier coup. J’étais choqué et intrigué à la fois. J’ai eu envie d’en découvrir davantage.
Et pour ce faire, il a donc dû être ingénieux au niveau de l’entraînement.
Je vais parfois en forêt du côté du Val-de-Travers pour chercher des poids naturels à porter comme des troncs. J’ai confectionné plusieurs outils de charge moi-même comme une dalle de béton de 140 kilos à porter via une structure en bois. J’utilise aussi des vieux pneus de vingt kilos chacun comme poids, cela m’évite de devoir acheter de grosses haltères.
Bref, cet ancien ferblantier-couvreur chez « Racheter frères SA » est devenu le roi du système D. Il travaille aujourd’hui dans la sécurité et fait aussi des démonstrations de force lors de manifestations. Une vraie force de la nature, ce strongman des forêts vallonnières !
Kevin Vaucher