Eux, ce sont des « grands gens » de la bécane !
Au début des années 1900, trois frères de la vallée de La Sagne et des Ponts sont venus à Travers pour travailler dans l’usine de meubles Bachmann, sise dans le bâtiment Stoppani. Ces sportifs se déplacent à bicyclette. Ils sont tellement passionnés par les deux-roues qu’ils finissent par ouvrir un petit commerce dans une maison modeste, en face du vieux pont. C’est là qu’ils fondent la marque de cycles et motocycles Allegro, en 1914. Bientôt, ils sont rejoints par deux autres de leurs frères. Découvrez la saga des Grandjean !
On peut très bien avoir un papa paysan-horloger, « rouler sur le côté » et devenir des rois de la mécanique. Les frères Ali, Jules et Arnold Grandjean-Perrenoud l’ont parfaitement démontré dans le passé. Ces adeptes de bicyclette ont attrapé de plein vent le virus de la petite reine. Compétiteurs doués et membres du vélo-club fleurisan Beau-Site, ils ont remporté de nombreuses courses et beaucoup de titres de Champion suisse dès 1910. Mais ce n’était pas assez pour les champions des deux-roues qui ont rapidement ouvert un magasin à Travers, à la rue du Pont. Leur affaire se développant à grande vitesse, ils se sont ensuite installés à Fleurier, place de la Gare. Leur domaine : cycle, mécanique et sport !
Une fratrie qui tisse sa toile dans la région
Leur premier vélo est construit au Vallon et la marque Allegro est fondée en 1914. Son emblème est aussi créé au Val-de-Travers, par le Covasson Georges Guye. En cours de route, le trio est rejoint par ses autres frères, Tell et Ulysse. Quelle famille ! La fratrie tisse ensuite sa toile dans la région. Jules ouvre un autre commerce à Vallorbe puis à Orbe. Ali en fait de même à Neuchâtel. Arnold descend aussi sur le Littoral. C’est là qu’il construit la première usine pour fabriquer les célèbres vélos et motos Allegro, considérée comme le premier producteur de vélos de course en Suisse. Vous vous demandez peut-être pourquoi avoir choisi ce nom, Allegro ? Parfois, il ne faut pas aller chercher bien loin…
Quand « allez gros » devient la marque Allegro !
« Allez gros ! » C’est par ces mots que les supporters d’Arnold Grandjean l’encourageaient au bord des routes.
Il a piloté ses propres motos en courses, assisté par son épouse avec qui il participe à des compétitions en tandem. Arnold est l’aîné de cette famille de 14 frères et sœurs. Comme son père avant lui, il s’oriente d’abord vers une carrière dans l’horlogerie. À 16 ans, il est engagé en qualité d’apprenti horloger à La Sagne. Pour se rendre sur place, il parcourt quatre fois par jour les huit kilomètres qui le séparent de la maison familiale. De quoi approfondir largement sa passion pour le cyclisme et faire un bon entraînement journalier. Cela l’a mené aux titres de champion national de cyclisme sur route amateur (1909), de champion national de cyclo-cross (1915 et 1916), de champion suisse de course de côte ou encore de vice-champion sur route, chez les professionnels. Sa carrière mentionne aussi un 22e rang au Tour de Lombardie.
Les petites histoires des « grands gens »
Son petit frère Tell suit ses traces sur… une moto Allegro évidemment. Dans les années 1920, il gagne notamment plusieurs courses en solo et en side-car. Lui aussi partageait son amour de la moto avec son épouse, souvent assise à ses côtés. Allegro a fabriqué de nouveaux modèles de moto jusqu’à la dernière Guerre mondiale. Par la suite, une usine a été construite à Marin. Elle a perpétué la renommée de la marque grâce à ses vélos et ses cyclomoteurs.
Allegro est cédée au groupe suisse allemand Mondia dans les années 1990. Mais l’histoire d’amour entre la famille Grandjean et la mécanique ne s’est pas éteinte pour autant. Les générations suivantes ont aussi fait parler d’elles. On pense par exemple à Jean-Daniel, actif dans les compétitions automobiles, mais aussi à Jacques qui a participé au Challenge Honda à partir de 1980. Il y avait pris une deuxième place au classement général. Plus tard, il participa au championnat d’Europe et au championnat du monde. Bref, plein de petites histoires de ces « grands gens » jalonnent le chemin du passé !
Kevin Vaucher