Tour du monde
Chevauchée sauvage sur la Route de la soie
Deux anciens Vallonniers, Fabienne Pétremand de Fleurier et Pierre Antoniotti de Saint-Sulpice, poursuivent leur voyage en 2023. Après deux semaines en Indonésie, ils étaient supposés retrouver Anne et Saty, une ex-collègue de Fabienne et son mari kirghize, à l’aéroport de Bichkek sauf que ces derniers ont raté leur correspondance à Istanbul.
En ce matin de juillet, nous arrivons au Kirghizistan plutôt fatigués après une journée de transit à Dubai. Heureusement pour nous, le frère de Saty est là pour nous récupérer. Installés confortablement dans sa voiture, nous contournons la capitale et découvrons pour la première fois le pays. Ici, pas d’autoroutes, quelques maisons éparpillées çà et là, des champs qui s’étirent jusqu’à l’horizon et des hauts sommets enneigés jusqu’au ciel. Après une journée à patienter dans une yourte installée au fond du jardin de la maison familiale, nous retrouvons Anne et sa famille pour une folle chevauchée de deux semaines à travers des paysages sensationnels jusqu’à la frontière chinoise.
Le premier jour, nous retrouvons les autres participants au marché aux bestiaux de Tokmok. Sur un terrain vague situé en pleine ville, des centaines de bêtes et du matériel en tout genre (selles, brides, longes, etc.) sont à vendre. On nous jette des regards curieux mais tous sont doux et amicaux. L’après-midi nous visitons la tour Burana, un minaret situé dans la vallée de Tchouï. Construite entre le 10e et le 11e siècle, cette tour de 45 mètres trônait sur ce qui était autrefois Balasagun, ville disparue fondée par les Qarakhanides au 9e siècle. Il y a également une petite collection de balbals, ou stèles kurganes, près de la tour. Ces petites figures de pierre étaient utilisées pour honorer les morts et marquaient parfois l’endroit où un corps était enterré.
Le second jour, c’est l’heure du grand départ ! Onze jours de cheval nous attendent avant d’atteindre notre destination finale : Tash-Rabat ! Nous partons du village de Kalinovka et traversons la vallée de Chamsi où nous chevauchons à travers de vastes pâturages fleuris jusqu’à une rivière où nous passons notre première nuit. Les paysages sont déjà magnifiques et nous avons hâte de découvrir ce qui nous attend ! À l’assaut des montagnes kirghizes, nous atteignons le fameux col de Chamsi qui culmine à 3573 mètres d’altitude, où nous apercevons la neige malgré une température plus qu’estivale. Sur le chemin, l’environnement boisé laisse doucement place à des reliefs plus arides. Le tableau, à la physionomie quasi lunaire, est époustouflant ! Une fois au sommet, à la frontière entre les régions du Chuy et de Kochkor, le panorama est à couper le souffle ! Nous chevauchons depuis près de huit heures et il est temps pour nous d’installer nos tentes au milieu des troupeaux de moutons que les bergers font paître ici depuis plusieurs générations.
Le Kirghizistan, destination plus qu’improbable, est sans nul doute un des pays qui nous aura le plus marqué à travers le monde ! Petit joyau enclavé au milieu de l’Asie centrale, il est traversé par les Monts célestes et la célèbre Route de la soie. Ponctué de sommets vertigineux atteignant par endroits 7000 mètres d’altitude, le pays abrite de grands espaces sauvages où se fondent harmonieusement les silhouettes des chevaux et des yourtes blanches. Imprégné d’une culture nomade millénaire, le Kirghizistan est assurément la destination idéale pour une aventure hors des sentiers battus.
Trois jours plus tard, nous atteignons Klemtché après avoir chevauché au milieu d’un décor désertique puis longé une rivière où les marmottes sifflent en toute sérénité. Le lendemain, nous franchissons le col Ashu à 3300 mètres d’altitude. Celui-ci offre un magnifique panorama sur le lac Song-Kul et ses innombrables Edelweiss. Une fois en bas, nous longeons la rive durant quelques dizaines de minutes et arrivons au camp de yourtes où nous passerons la nuit. En fin de journée, nous assistons à plusieurs jeux équestres ancestraux tels que la course à la fiancée (Kyz-kumay) et le Kok Boru, une sorte de rugby à cheval où le ballon est remplacé par le cadavre d’une chèvre ou d’un mouton. Si nous restons sur les rives du lac le jour suivant, nous quittons Song-Kul le huitième jour et amorçons une descente à travers de jolis paysages de type alpin, sur un sentier qu’empruntaient autrefois les bergers et leurs chameaux chargés de yourtes et de victuailles.
Les neuvième et dixième jours, nous commençons par traverser une végétation qui s’apparente à la pampa mexicaine avant de longer la rivière Naryn, qui devient le fameux Syr-Daria en Ouzbékistan. Nous traversons ensuite des paysages lunaires et passons la nuit à Mazar, petite oasis au milieu d’un environnement plutôt aride. C’est malheureusement accompagnés par la pluie que nous prenons de l’altitude durant les deux derniers jours afin de passer les cols Bay-Bitché et Kulak, qui culminent à 3102 mètres et 3390 mètres. Nous sommes trempés et frigorifiés lorsque nous arrivons enfin à Tash-Rabat, lieu mythique de la Route de la soie. Nous passons notre toute dernière nuit dans une yourte qui, pour notre plus grand bonheur, est exceptionnellement chauffée. Nous profitons d’être sur place pour visiter le caravansérail, qui constituait une étape incontournable pour les voyageurs et les caravanes de marchandises sur l’ancienne Route de la soie entre Xinjiang en Chine et Yssyk Koul au Kirghizistan.
Durant notre périple nous dormons sous tente, chez l’habitant ou à l’intérieur d’une yourte. Dans les deux derniers cas, c’est à chaque fois une nouvelle famille qui nous accueille à bras ouverts avec différents types de spécialités kirghizes à déguster. Dans la yourte où tout le monde a l’habitude de se retrouver pour manger, un poêle diffuse une chaleur apaisante et réconfortante lorsqu’au coucher du soleil la température baisse drastiquement. Du pain, du beurre, de la confiture et du thé nous attendent à tout moment de la journée comme pour nous souhaiter la bienvenue. Étant donné que nous n’avons généralement pas accès au bagna, une sorte de bain public russe, nous nous lavons dans l’eau fraîche des rivières.
Tout au long du voyage, nos deux guides nous montrent le chemin pendant que la cuisinière et le chauffeur nous suivent, avec nos affaires personnelles, dans un bus chargé de nourriture et d’eau. Les repas sont toujours bons et équilibrés et, en fin de journée, nous profitons parfois de boire un verre de bière ou de vodka les yeux perdus dans les vastes plaines qui semblent perforer le ciel. En fin d’après-midi, nous jouons et prenons en photo les enfants qui apprennent déjà, sur leur poney ou leur cheval, à devenir des nomades comme leurs parents. Dans le soleil couchant, nous regardons bouche bée les troupeaux de chevaux sauvages courir et, une fois que la nuit s’est définitivement installée, toute une flopée d’étoiles scintiller sous la grande yourte céleste du Kirghizistan. C’est superbe !
Pierre et Fabienne