Théâtre des Mascarons
Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz
Dans le cadre de son 50e anniversaire, le Théâtre des Mascarons propose une tragi-comédie sociale sur la difficulté d’être une femme derrière les barreaux.
« Lorsque j’ai lu la pièce pour la première fois, j’ai reçu un coup de poing en plein visage. Il fallait que je la mettre en scène… à la lecture, les six comédiennes m’ont immédiatement donné raison. Ensemble nous avons ri, pleuré, puis nous nous sommes mises au travail. Plus nous répétions plus notre enthousiasme grandissait. Ces 12 représentations sont pour vous toutes et tous qui êtes libres et qui fêterez Noël chez vous avec les vôtres », nous livre Thérèse Roy, metteuse en scène.
Le texte de Mohamed Kacimi livre leur passif au compte-gouttes, sans que personne, surtout, ne leur ait rien demandé. Il part du principe que c’est la société qui les corrompt et presque toutes ont des circonstances atténuantes : violences conjugales, viols, misère sociale. Kacimi a rencontré ces femmes-là au fil des ateliers d’écriture donnés à Fleury-Mérogis.
Quand on lui demande pourquoi il a choisi de conduire des ateliers en prison et chez les femmes, voici ce qu’il répond : « Je ne me voyais pas faire un tel travail. C’est Nancy Huston qui me l’a suggéré et m’a mis en contact avec l’association qui organise les ateliers. Ce qui m’a le plus frappé c’est la solitude extrême de chacune d’elles. On est saisi dès le voyage en bus qui vous mène de la Porte d’Orléans à Fleury-Mérogis. A la prison des hommes, des femmes, des enfants descendent, à la prison des adolescents, du monde descend encore. Puis il n’y a plus personne dans le bus. J’étais seul à descendre à la prison des femmes. Après le constat de l’abandon, de l’absence de visites ce qui m’a le plus impressionné c’est la liberté extraordinaire qu’elles se donnent, la jubilation, une jubilation vraie, destinée à quelque chose. Il s’agit de rire pour ne pas crever. Ce qui m’a marqué aussi c’est que ce sont surtout les plus pauvres et les immigrées qui sont là, des Africaines, Maghrébines, Américaines du Sud, d’Europe de l’Est. Souvent condamnées à des peines très lourdes certaines sont de grandes criminelles mais est-ce une raison pour les traiter ainsi qu’elles sont traitées. Elles sont exploitées lorsqu’elles travaillent : 50 euros pour 70 heures de travail. Pas de retraite. Le pire scandale concerne les mères : une femme enceinte, prête à accoucher, est conduite menottée et accouche menottée. Quand l’enfant a 18 mois, il lui est enlevé. On entend les enfants hurler dans la nurserie. Mais ce quartier des femmes n’est pas du tout violent. Il existe de leur côté une humanité profonde. La prison est propre, silencieuse, il n’y a pas de violence, tout le contraire de la prison des hommes. Les femmes assument tout, leurs crimes éventuels et leur situation. Je vais dire un mot terrible : il y a là quelque chose d’une déchetterie humaine. On leur distribue des barbituriques et il n’y a plus aucune prise en charge psychanalytique. C’est terrible. Il me semble que par la prison, on prend la température de la société tout entière. Ainsi par-delà l’abandon, la cruauté, la séparation qui peut me dire pourquoi on prive ces femmes de miroir ? Il existe des miroirs faits avec des matériaux non dangereux… Non ? »
La première représentation se jouera sur les planches des Mascarons, à Môtiers, vendredi 18 novembre à 20 h 30. Réservations sur le répondeur au 079 633 48 25. Pour plus de détails.
Comm.