Ukraine : la force des témoignages dʼici !
L’Ukraine à nos portes (partie 4)
Avec ce quatrième article consacré aux destins actuels et futurs des familles ukrainiennes du Vallon, nous arrivons à la conclusion de ce reportage. Les histoires que nous vous avons fait partager ne sont pas terminées pour autant. C’est désormais la Grande Histoire qui influencera directement celle de dizaines de milliers de familles réfugiés en Suisse. Des humains qui ont parfois dû laisser derrière eux plus de septante ans de leur vie, en quelques minutes. C’est notamment ce qui est arrivé à Hanna (77 ans) qui a pris la fuite en pleine nuit dans une zone contrôlée par les Russes.
Sur les murs des appartements vallonniers protégeant certains exilés ukrainiens, la décoration peut être très singulière. Des panneaux avec des règles de français ont été installés par plusieurs femmes dont Tetiana et Maryna. «Je mange, tu manges…», commencent-elles à réciter dans un français hésitant qui fait sourire le reste du groupe. Ça ne semble pas être insurmontable à première vue mais imaginez que vous êtes dans une situation qui vous « oblige » à apprendre la conjugaison des verbes en ukrainien. Ces «petits riens du quotidien» prennent alors tout de suite une autre importance. Pour apprendre le français, le petit Maksym (10 ans) partage notamment les « bancs d’école » avec la doyenne Hanna (77 ans).
« Vous avez 30 minutes pour fuir »
Comme l’ancienne juriste Mane, hébergée à Fleurier, Hanna a vécu dans une zone occupée par les Russes avant d’arriver à Genève (Palexpo) puis à Fleurier. Elle était notamment accompagnée de son fils Yurii, lui-même arrivé avec sa compagne Inna. Ils se souviennent: «Il y avait des chars russes dans la cour et on sentait qu’il ne fallait pas rester là plus longtemps. Des voisins nous ont dit de quitter le village dès que l’occasion se présenterait.» L’attente a alors commencé.
L’incertitude et le danger à portée de porte ont rendu ces quelques jours interminables. Jusqu’au moment où l’ouverture espérée s’est présentée. «C’était en pleine nuit, tout le monde était en pyjama. Une voisine bien informée nous a dit qu’on avait 30 minutes pour fuir. Nous avons juste eu le temps de remettre la batterie à la voiture pour filer, sans bagage.» Précisons que les habitants retirent les batteries des véhicules pour ne pas se les faire voler.
Le trop-plein d’émotions…
Après avoir roulé de longues heures et avoir traversé plusieurs pays, la famille est arrivée en Valais où une connaissance les y attendait. Ils sont restés dix jours sous un toit qui abritait dix personnes. C’est Oxana Puccini, qui travaille à la Maison de l’Absinthe et qui a été ma traductrice pour ce reportage, qui a fait le lien entre la famille de Yurii et un appartement vide au Val-de-Travers. «Ce n’était pas évident de transférer les papiers entre le canton du Valais et celui de Neuchâtel mais on y est arrivé avec l’aide de Messieurs Schwab et Hofner (avocat et juriste). Quand j’ai annoncé la bonne nouvelle à la famille, elle a été…». Très forte jusqu’ici, Oxana craque en revivant cette scène. Pas besoin de terminer sa phrase, vous aurez compris toute l’émotion qui a entouré cette annonce pour les réfugiés et pour ceux qui ont œuvré à sa réalisation. Comme Oxana, le directeur de l’EMS Les Sugits Olivier Klauser s’est investi sans compter dans l’accueil de réfugiés ukrainiens.
« Vous nous donnez l’espoir que tout aille mieux demain »
Les yeux humides, il se souvient des mots prononcés par Maryna lorsqu’il lui a présenté le logement de Fleurier.
Je me suis excusé car il manquait un volet à une fenêtre. Elle m’a répondu qu’elle venait de vivre des semaines dans les sous-sols ukrainiens en arborant un sourire de reconnaissance. C’était très fort.
C’est dans ce mélange de souvenirs et d’émotions que je laisse le mot de la fin aux « Vallonniers ukrainiens », comme promis. « Ми хочемо подякувати мешканцям Швейцарії за ту теплу зустріч та увага з якими вони до нас віднеслися. Ми дуже цінуємо, що ви для нас зробили, і продовжуєте робити. Після того, як багато хто з нас, втратив все у себе на батьківщині, ви подарували нам надію на те, що все може бути добре. Щиро вдячні вам за те, що ви відновлюєте в нас віру в людей і в майбутнє. «Nous remercions sincèrement tous les Suisses, et en particulier les Vallonniers, pour leur accueil et leur bienveillance. Nous apprécions ce que vous avez fait et ce que vous faites encore pour nous. Alors que certains d’entre nous ont tout perdu en Ukraine, vous nous donnez l’espoir que tout aille mieux demain. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir reconstruit notre foi en l’avenir et en l’humanité.»
Kevin Vaucher