Un cheval qui galope à travers les homes
Jeudi passé, le Courrier a assisté à une scène pour le moins étrange. On a eu beau se taper la tête quatre fois contre les murs, c’est bel et bien un cheval qui déambulait dans les couloirs du home Clairval. Plus étrangement encore, il n’y a eu aucun mouvement de panique. Et pour cause : cette intrusion était totalement voulue. Elle était même préparée. Plus tôt dans la matinée, le même cheval avait déjà « visité » l’intérieur du home fleurisan Valfleuri. En fait, cela fait cinq à six ans que ces deux établissements font appel à Emmanuelle Pfrimmer, et à ses animaux, pour apporter du bien-être autrement à leurs résidents (appelés habitants).
« Emmanuelle Pfrimmer est une spécialiste en zoothérapie et en médiation animale. Elle intervient dans nos deux homes tous les jeudis », précise Christophe Roueche, en charge des animations à Clairval. « Mais habituellement, je me déplace avec des plus petits animaux », ajuste la Française qui vient de Fuans chaque semaine. C’est sûr qu’un lapin, un cochon d’Inde, un chien ou une tourterelle de près de 500 kilos… c’est plus rare.
Jamais sans ses quatre chaussons bleus
Le cheval en question s’appelle Dounka et il mesure 1 m 57 ! Emmanuelle l’emmène avec elle deux à trois fois par an sur les routes du Val-de-Travers. « Au départ, la rencontre avec nos habitants se faisait uniquement en extérieur. Puis, comme certains ne peuvent pas sortir, on a alors eu l’idée de le faire entrer directement dans le home », détaille Christophe Roueche. Ce qui fut autant un défi logistique pour le home qu’animalier pour la spécialiste en zoothérapie. Première étape : lui confectionner quatre petits chaussons bleus pour éviter qu’il ne glisse et qu’il n’abîme le carrelage.
Une répétition générale une semaine avant la visite
Ensuite, il a fallu procéder à des essais et à le familiariser avec les lieux. « Avant chaque visite, je viens une semaine plus tôt pour faire une sorte de répétition générale. On peut notamment voir si certains passages lui sont impossibles par exemple ». Le 1er juin, le cheval a ainsi emprunté un petit détour pour contourner des grilles au sol qui lui provoquaient trop de stress. « Je dois aussi le préparer longuement avant de prendre le départ pour le déstresser. C’est très important », révèle celle qui se déplace avec une assistante au doux prénom de Tatiana. La suite donne lieu à des images assez surréalistes. Le cheval prend l’ascenseur pour passer d’un étage à l’autre à la rencontre des habitants du lieu.
500 francs de caution à la douane
Et l’effet est instantané : « Même les personnes qui ne se souviennent pas de moi ont le sourire car elles m’associent à du bien-être. C’est la mémoire émotionnelle. » En plus d’apporter de la joie, cela crée des moments de cohésion au sein des établissements. « L’arrivée du cheval provoque un état de relaxation général et sort les habitants de leur état de veille. Car en fin de compte, ils attendent un peu leur heure lorsqu’ils entrent au home », pousse le responsable des animations. L’heure est aussi très importante pour Emmanuelle et Tatiana qui doivent débourser 500 francs de caution à la douane du Locle au moment de passer la frontière. « Ceci permet de lutter préventivement contre tout trafic d’animaux. Il faut que l’on repasse du côté français, avec le cheval, avant une certaine heure pour récupérer cette caution. » Si les frontières du réel semblent parfois mouvantes, les barrières douanières le sont beaucoup moins visiblement.
Kevin Vaucher