Adoption : des années d’itinérance
Une famille qui a gagné son combat
Patrick, Séverine, Ricardo et Marc-Arthur Schlüter sont réunis depuis bientôt 4 ans. Le couple de pasteurs vallonniers a adopté les deux enfants haïtiens le 23 avril 2020. En raison du Covid et de l’absence de vols commerciaux, les deux frères sont arrivés sur le tarmac de Berne-Belp dans le Falcon du Conseil fédéral (accompagnés par 7 enfants adoptés par d’autres familles). Cette issue positive et mémorable mettait un terme à des années de combat dans leur procédure d’adoption. Rencontre !
Marc-Arthur a 7 ans. Son frère Ricardo en a trois de plus que lui. En Haïti, ils ont rapidement été séparés avant de se retrouver à l’orphelinat. L’aîné est de prime abord plus en retenue que son volcanique cadet. Ils sont très sociables, font du sport et n’aiment pas rester très longtemps les bras croisés. Leurs parents Patrick et Séverine suivent leur rythme effréné depuis près de quatre ans. Ils se sont même remis au sport pour pouvoir encore mieux les accompagner au quotidien. Aujourd’hui, l’équilibre de vie familiale semble harmonieux.
Un peu de racisme, beaucoup d’amour
Outre quelques remarques racistes proférées par des enfants souhaitant se donner un genre devant les copains, les nouveaux venus ont rapidement été acceptés et intégrés. « Ils font l’unanimité dans notre premier cercle et même dans notre cadre élargi », couvent fièrement leurs parents. Le cadre dont ils parlent est celui de l’église et des paroissiens qui la côtoient. Séverine et Patrick sont tous les deux pasteurs, ils ont tous les deux 50 ans et ils ont tous les deux fait les mêmes études à la faculté de théologie de Neuchâtel. C’est là qu’ils se sont d’ailleurs rencontrés il y a une trentaine d’années maintenant. Après une première expérience pastorale commune à La Chaux-de-Fonds, le couple a décidé de s’installer au Val-de-Travers en 2007, le jour de son dixième anniversaire de mariage.
Un chemin de croix de six ans
« En venant travailler et vivre ici, notre idée était de trouver un environnement propice pour mener une vie de famille. » Mais ce projet de vie fut rapidement malmené. La faute à une fausse couche intervenue durant la nuit de Noël 2009. Un événement doublement traumatisant en leur qualité de parents et de pasteurs. « Noël est une fête symboliquement forte. » Face aux difficultés de procréer naturellement, ils décident de recourir aux solutions médicales. Mais sans que cette piste ne s’avère fructueuse. Pas plus que leur intention de devenir famille d’accueil. La question de l’adoption est donc définitivement posée sur la table et privilégiée à l’été 2014. C’était le début d’un chemin de croix de six ans.
L’impasse philippine
Inscription auprès de l’Office de protection de l’enfance et enquête sociale constituent le début du processus. Le couple est évalué sous tous les angles. Puis vient le choix de la filière d’adoption. « L’adoption nationale est très restreinte, nous avons donc opté pour l’adoption internationale. Nous voulions un pays reconnu par le canton de Neuchâtel et signataire de la Convention des droits de l’homme. » Leur choix se porte sur les Philippines mais débouche sur une impasse. Retour en arrière. Ce sera finalement Haïti ! Voici alors venu le temps des questions légales. « Il y a beaucoup de documents administratifs à remplir. Un exemple ? Le rapport de psychologie doit être signé par la psychiatre responsable. Puis sa signature doit être légalisée par celle du médecin cantonal qui doit elle-même être légalisée par celle de la Chancellerie qui doit être validée à son tour par le Consulat d’Haïti à Genève. »
Dernier obstacle : le Covid
Un beau jour de 2019, arrive enfin la proposition d’adoption. Séverine et Patrick l’acceptent et se rendent deux semaines à Haïti pour rencontrer Ricardo et Marc-Arthur. Mais ils ne rentrent pas avec eux. « Il faut encore attendre 6 à 9 mois avant de pouvoir définitivement les retrouver. » Le temps d’une grossesse en quelque sorte. Le feu vert est donné au printemps 2020. Mais… voilà qu’était arrivé le Covid ! Le couple a donc dû livrer une ultime bataille pour faire venir ses deux enfants jusqu’à lui. Les cinq familles helvétiques en attente d’adoption d’enfants haïtiens s’unissent alors pour écrire au Conseil fédéral. Vous connaissez déjà la suite et la fin heureuse de cette histoire sur le tarmac de Berne-Belp. La famille réunie, une nouvelle vie pouvait enfin débuter pour elle. Après le chemin de croix, place à la bannière, celle d’une vie à quatre !
Kevin Vaucher