Une goutte d’art suspendue au temps
Dans le tumulte et le fracas, il y a toujours un lieu, un moment, une personne qui semble comme arrêter le temps par sa grâce et sa délicatesse. Une touche de fragilité apparente qui dégage pourtant plus de force que tout le reste réuni. Lorsqu’on y assiste, on en ressort apaisé, relaxé, guéri. C’est probablement ce qu’ont vécu les visiteurs du dernier Salon des fées s’ils ont eu la chance de tomber sur la prestation d’Anja Luna réalisée au milieu des stands et au cœur de la foule. Sans doute ne le savaient-ils pas mais ils sont littéralement passés à côté d’une artiste unique au monde. Portrait!
Une grande harpe électrique est déposée en pleine effervescence du Salon des fées. Nous sommes le 2 mars dernier et une dame d’un certain âge attend près de l’instrument. « C’est ma maman Erika. Dès qu’elle le peut, elle me suit partout en Suisse pour assister à mes prestations. J’ai quitté le domicile familial très tôt. J’avais 17 ans et je pense que c’est une façon de rattraper un peu le temps qui nous a manqué. »
Apaiser, guérir et surprendre
Cette petite voix que vous entendez est celle d’Anja Habegger ou d’Anja Luna si vous préférez utiliser son nom d’artiste. Le terme d’artiste n’est pas galvaudé pour cette Bâloise d’origine qui vit actuellement une partie de l’année dans une caravane, près de Zurich. Malgré ses tout juste 26 ans, la jeune femme sait ce qu’elle veut. « Avec mon art, je souhaite offrir aux gens un instant apaisant qui guérit de la frénésie quotidienne. » Vous voulez dire un instant suspendu ? « Oui, c’est parfait dit comme ça ! » Elle rigole… Et pour cause : sa prestation ne se limite pas à de la simple musique, elle a créé un art unique en rapprochant deux de ses passions dont l’une est suspendue.
Prestation unique au monde
« Je fais de la harpe depuis l’âge de 7 ans, c’est quelque chose qui m’a accompagnée avant même que je commence le cirque (4 ans plus tard). Un jour, je me suis blessée au cirque et j’étais contrainte de donner des cours de harpe à un ami. Il m’a demandé pourquoi je ne liais pas mes deux passions pour créer quelque chose de nouveau et d’unique. Je l’ai d’abord pris en rigolant puis j’ai réfléchi : est-ce qu’il serait possible de jouer de la harpe tout en faisant des acrobaties aériennes ? » De prime abord pas évidente, la réponse a pourtant été « oui » ! Anja Luna décide alors de donner forme à un numéro dont elle est l’unique « ambassadrice » au monde.
Goutte d’eau en plein orage
« J’ai créé un spectacle de sangles aériennes durant lequel je joue en même temps de la harpe en suspension. J’ai trouvé un instrument électrique suffisamment léger (5 kilos) et j’ai inventé un système qui permet de le maintenir en l’air pendant que je fais mon numéro. » Il en découle l’un de ces fameux moments figés dans le temps, à la fois fort et délicat. Comme une goutte d’eau qui viendrait « lécher » délicatement vos yeux au cœur d’un violent orage. « C’est beau et c’est juste ! La nature m’inspire. J’ai grandi dans une ferme et l’eau est un élément qui me fascine par sa force créatrice de beauté. L’un de mes morceaux s’appelle d’ailleurs cascade dansante. » La « goutte d’eau » d’Anja Luna s’est posée dans les meilleures écoles du monde pour se former lorsqu’elle était plus jeune.
Prestation au cœur de la forêt
« J’ai notamment suivi l’école nationale de cirque de Montréal avant de créer ce numéro inédit pendant le Covid. C’était en 2020. » Aujourd’hui, son talent et l’originalité de son numéro font d’elle une artiste courtisée. Elle est actuellement en tournée avec « Das Zelt », un grand cabaret suisse alémanique. Elle a également créé sa propre compagnie de cirque dont le premier spectacle développe le voyage d’une goutte d’eau.
Ça ne s’invente pas ! Et c’est en présentant un show en plein air, dans la forêt, lors du festival de Valangin Art’borescence, qu’elle a été approchée pour venir se produire au 5e Salon des fées. La reverra-t-on au Val-de-Travers prochainement ? Nous sommes suspendus à cette éventualité.
Kevin Vaucher