Une goutte d’égalité dans un bain d’injustices
Adrien a 12 ans. Chez la famille Robert, c’est le « deuxième » d’une fratrie de trois enfants. Lorsqu’il n’est pas à l’école, il y a de fortes chances de le voir sur un cheval ou sur un quad. Adrien vit à cent à l’heure et pourtant il est venu au monde avec un léger « retard ». Il n’a pas de maladie spécifique mais il est né avec un problème moteur. Ce frein, il essaie de vivre au maximum sans s’en soucier. Depuis quelques mois, il a intégré le club de natation du Val-de-Travers qui a « naturellement accepté cette demande » qui constitue malgré tout un défi pour lui.
La différence s’efface quand elle n’en devient plus une aux yeux des autres. Et la meilleure façon de l’effacer des esprits est de vivre avec. C’est en faisant sienne cette vision que le Club de natation et de sauvetage du Val-de-Travers (CNSVT) a immédiatement accepté la demande d’adhésion du jeune Adrien. « Intégrer un enfant avec des problèmes moteur est une première pour notre club. Malgré cette inconnue, nous ne nous sommes même pas posé la question de la faisabilité ou non de son adhésion. C’était logique de l’accepter, comme n’importe quel autre membre », brassent les co-présidentes Monica Jaquet et Nathalie Oppliger.
Un encadrement adapté
Si Adrien est totalement un enfant comme les autres, il n’en demeure pas moins que son handicap de naissance nécessite une certaine sécurité et une prise en charge adaptée. « Il a rapidement été évident pour nous qu’il lui fallait un encadrement personnalisé. Une monitrice c’est volontairement proposée. » Cette monitrice de natation c’est Nine Tonel. « J’aurais trouvé injuste qu’il ne puisse pas venir nager comme tout le monde », pousse-t-elle. À chaque séance, Adrien passe un moment avec les autres enfants et il bénéficie aussi d’exercices spécifiques, en solo avec sa « maîtresse-nageuse ». Le club de natation représente autant un moment de socialisation qu’un instant sportif qui lui permet de se dépasser.
« J’ai appris à me sentir bien dans l’eau »
« J’étais un peu crispé la première fois que je suis entré dans l’eau. Mais j’ai appris à me sentir bien dans ce nouvel environnement. J’ai l’impression que cela fait du bien à mes jambes », apprécie-t-il. Son papa confirme : « depuis qu’il nage régulièrement, ses jambes sont plus détendues. Cela lui offre aussi un moment de liberté sans le matériel qu’il utilise habituellement pour se déplacer. » Hors de l’eau, Adrien s’appuie sur une sorte de rollator pour marcher. Il utilise aussi parfois une chaise roulante car il porte constamment deux « attelles » aux pieds.
En une question, les autres enfants ont oublié son handicap
« Il doit même les porter la nuit. Pour dormir, on installe une barre entre les deux attelles pour que la croissance se fasse au maximum sans accentuer son problème aux jambes. » Même si ce n’est pas une maladie dégénérative, un suivi régulier des médecins est nécessaire pour adapter la prise en charge au fur et à mesure de sa croissance. Aujourd’hui, au club de natation, plus personne ne fait attention à son handicap. « La première fois qu’ils ont vu Adrien, les autres enfants ont juste demandé pourquoi il marchait un peu ‹ différemment ›. Une fois qu’ils ont eu l’explication, ils sont immédiatement passés à un autre sujet », rapporte sa monitrice.
Le sport est-il inclusif ?
Dans un monde idéal, les autorités compétentes ne pourraient-elles pas fournir à chaque club de sport les moyens d’accueillir les enfants souffrant de handicap ? Le sport est un magnifique moyen d’inclusion mais il exclut malheureusement encore trop souvent les handicapés. Pour le club de natation du Val-de-Travers, fondé le 7 juillet 1959, la venue d’Adrien constitue une première en près de 65 ans d’existence. Tous les quatre mois (durée de chaque session), 80 à 100 membres se rassemblent autour du bassin d’espaceVal dès l’âge de 4 ans. Il était grand temps qu’Adrien entre dans le grand bain. Et si d’autres clubs intégraient à leur tour « leur Adrien » ?
Kevin Vaucher