Valeria Generoso
Une vie de courage !
La vie n’a pas laissé de choix à Valeria Generoso. Elle lui a immédiatement fait savoir qu’elle devrait avoir un courage supérieur à la moyenne pour s’en sortir. Son père ? Fusillé lors de la Deuxième Guerre mondiale. Elle ne l’a pas connu. Sa mère ? Elle l’a d’abord abandonnée avant de la faire intégrer le foyer lorsque sa sœur est née. « Du coup, la Fête des mères, c’était très peu pour moi », dit-elle sobrement. Au travail à l’usine dès l’âge de 16 ans, Valeria a ensuite habilement trouvé sa place en quittant Bergame (Italie) pour venir habiter en Suisse.
Née à Bergame il y a 80 ans, Valeria Generoso avait un an lorsque son papa a été fusillé sur le champ de bataille. Elle a ensuite connu l’orphelinat et le couvent avant de réintégrer la cellule familiale. « Quand j’ai ouvert la porte, il y avait trois femmes et je ne savais même pas laquelle des trois était ma mère », se souvient-elle. Au pays, la vie est dure. Comme beaucoup de familles, ils n’ont pratiquement pas d’argent liquide pour vivre. Ils attendent la fin du mois que la paie tombe pour pouvoir payer leurs courses. « Nous notions nos achats sur un petit calepin et nous allions honorer notre dette auprès des commerçants une fois par mois. »
à l’usine dès 16 ans
Mais bientôt, la paie ne suffit plus pour continuer à payer les courses, même de cette façon. La maman de Valeria décide alors de venir travailler en Suisse. Grâce à une connaissance, elle atterrit dans une usine de fixation de ski de Sainte-Croix. Valeria la rejoindra mais pas tout de suite. D’abord tricoteuse, la jeune fille commence à travailler à l’âge de 16 ans. « Je me réveillais à 5 heures du matin pour prendre une navette qui nous conduisait à l’usine, près de Milan. » D’abord engagée pour faire du ménage, elle est déjà responsable de machines dans cette entreprise de textile. Malgré sa situation, Valeria rejoint sa maman à Sainte-Croix moins d’une année après son arrivée. Nous sommes en 1962.
Elle devient veuve à 37 ans
Elle a 18 ans et elle trouve un emploi dans une entreprise active dans le montage de projecteurs. De temps en temps, Valeria va au bal. C’est lors d’une de ces soirées qu’elle y rencontre son mari. Elle tombe amoureuse de l’homme et de son village en même temps. « J’ai découvert le magnifique village de Fleurier et cela fait 56 ans que j’y habite aujourd’hui. » Mais la vie n’avait pas encore décidé de l’absoudre de ses épreuves. Du courage, il lui en a encore fallu beaucoup pour surmonter le décès de son mari. Il avait 43 ans et elle, 37 ! « Nous avions surtout deux enfants », précise-t-elle. J’ai toujours gardé son nom sur ma boîte aux lettres. C’est à la fois pour le garder un peu à mes côtés et pour me protéger. Les gens qui voient le nom d’un homme n’insistent pas et me laissent tranquille », rigole la Bergamasque.
1995 : la voilà « Cavaliere »
Sa ville natale ne l’a pas abandonnée non plus. Valeria Generoso est présidente des Bergamasques de Suisse jusqu’à la fin de l’année. « En 2026, cette association aura 35 ans. Nous avons compté jusqu’à 220 membres et il y en a encore une centaine aujourd’hui. Les générations passent et ceux qui sont nés ici sont pleinement intégrés. » Ils sont aussi moins attirés par cet « esprit de communauté ». « On sent un essoufflement, c’est vrai. » Le but de cette association est de se retrouver et de s’entraider entre ressortissants de Bergame, d’Italie et même d’autres nationalités désormais (espagnole,…). Durant toutes ses années d’engagement, Valeria Generoso a aidé de nombreux concitoyens. Son dévouement a d’ailleurs été récompensé par l’État italien qui l’a nommée « Cavaliere » en 1995. En français, Chevalier de l’ordre du mérite de la République italienne.
Elle va chez un ministre pour faire entendre sa voix
« C’est l’équivalent de la Légion d’honneur en France. Elle est attribuée pour services éminents rendus au pays. » Durant son mandat, la « Vallonnière d’adoption » s’est notamment battue pour sauver l’agence consulaire de Neuchâtel, allant jusqu’à se déplacer chez un ministre italien jusqu’à Rome pour faire entendre sa voix. « Madame courage » a aussi accompagné une concitoyenne qui voulait se suicider et tuer ses enfants, désespérée qu’elle était par des démarches administratives difficiles et des soucis de santé. La « Cavaliere » avait volé à son secours, n’hésitant pas à faire des heures supplémentaires au travail pour pouvoir prendre des congés pour l’accompagner chez un avocat. Du courage et de la générosité, voilà de quoi est faite Valeria Generoso…
Kevin Vaucher