Vie économique
À Fleurier, l’art du guillochage a trouvé son écrin
Dans l’ancien bâtiment Daniel-Jeanrichard, à Fleurier, s’est tenue l’inauguration, jeudi dernier, des nouveaux locaux de l’entreprise Brodbeck guillochage, mise sur pied par l’horloger vallonnier Kari Voutilainen. Autorités politiques, invités de renom et acteurs régionaux ont pu découvrir les futurs espaces de travail de la société et l’art méconnu du guillochage.
L’ancien immeuble Daniel-Jeanrichard, rue du patinage 4 à Fleurier, n’a plus grand chose à voir avec un lieu ayant abrité l’école d’horlogerie de Fleurier ou l’antenne d’un lycée. Tout en conservant sa forme d’origine, mais dans une élégante robe vert émeraude, le bâtiment est désormais celui de la société Brodbeck Guillochage, dont l’administrateur est l’horloger multiprimé Kari Voutilainen. L’inauguration des locaux s’est déroulée jeudi dernier, en présence des autorités communales et cantonales, ainsi que de nombreux acteurs économiques du Vallon et du monde horloger.
En introduction, Kari Voutilainen a rappelé l’histoire de l’édifice, école d’horlogerie à sa création en 1896, antenne du lycée Denis-de-Rougemont puis celle du lycée Jean-Piaget, et la genèse du projet. En apprenant la fin du gymnase au Vallon, l’horloger a une idée. « Alors j’ai commencé à rêver. Un mariage parfait entre un vrai atelier de guillochage et ce bâtiment. Un jackpot ! », a-t-il noté, en avouant son admiration pour « cet art » de la gravure sur métal, malheureusement « en voie de disparition ». À l’époque, celui-ci est déjà pratiqué au sein de ses ateliers du Chapeau de Napoléon, mais l’horloger souhaitait le développer et faire rayonner ce savoir-faire.
Projet « qui avait tout son sens »
Depuis plusieurs années, Kari Voutilainen connaît bien une des grandes figures du guillochage, Georges Brodbeck, établi à Saignelégier. Après un repas, l’artisan jurassien, né à La Chaux-de-Fonds, accepte de lui vendre son entreprise. S’ensuivent des négociations avec les autorités communales qui acceptent la vente du bâtiment et des travaux de rénovation « dans les règles de l’art » de plus de dix-huit mois, pour créer un lieu de travail « exemplaire ». Président de l’exécutif de Val-de-Travers, Eric Sivignon a salué un « magnifique projet » qui « avait tout son sens ». « Le Conseil communal a tout de suite senti cette belle opportunité pour mettre en valeur ce bâtiment historique », a-t-il expliqué, en soulignant le symbole que les lieux retrouvent une activité liée à son origine.
Représentant du Conseil d’État, Frédéric Mairy a relevé son « plaisir à plus d’un titre » à être présent, puisqu’il était encore conseiller communal au début de ce projet. « Cela permet de boucler la boucle », a-t-il imagé, en soulignant aussi sa joie à titre de conseiller d’État d’observer le développement économique neuchâtelois. « Notre canton est fortement exportateur de richesses et importateur de traditions », a-t-il déclaré, en référence à l’origine franc-montagnarde de la société Brodbeck. Également, le conseiller d’État a salué la nouvelle utilisation d’une infrastructure existante, enjeu majeur pour les autorités cantonales. « On peut voir que l’histoire horlogère de notre région est bien vivante ! », a-t-il résumé, ajoutant qu’en horlogerie « tout était affaire de passion ».
Parc machines « unique au monde »
Passion et pointe d’émotion aussi ressentie dans les propos de Georges Brodbeck qui a remercié Kari Voutilainen d’avoir repris l’entier de son activité. « Mon rêve est en sécurité et mon art va continuer », a reconnu celui qui est spécialisé dans le guillochage depuis près de trente ans. L’artisan a aussi remercié de l’apposition de son nom sur la façade du bâtiment rénové. En plus de la pratique de cet art et de la perpétuation de son savoir-faire, c’est l’ensemble des machines, patiemment réuni par Georges Brodbeck, qui peut être préservé désormais à Fleurier. « Probablement, il y a ici un parc machines unique au monde ! », a estimé ce dernier.
Des propos qui furent confirmés lors de la visite des ateliers où les invités ont pu découvrir, souvent impressionnés, voire ébahis, toute la diversité des machines, quelquefois centenaires pour certaines, pour réaliser toutes opérations de gravures fines sur métaux nobles. Toutefois, au-delà de ce patrimoine conservé, la finesse et l’habileté de ce savoir-faire ont surtout décontenancé les visiteurs, lors des présentations faites par les guillocheurs de la nouvelle société. Les explications de ces artisans ont captivé les invités, qui ont découvert ou redécouvert cet art et sa beauté. Si le guillochage avait besoin d’un écrin, il est désormais à Fleurier.
Gabriel Risold